Retrouvailles paumotu

En descendant vers le sud des Tuamotu, nous repassons par l’atoll de Makemo, nourrissant l’espoir de retrouver le couple paumotu qui, en juillet 2018, nous avait accueillis avec une générosité sans pareil.

Sitôt mouillés devant Pouheva, nous débarquons au village et recherchons le logis d’Anelia et Michel situé, de mémoire, tout près de l’église catholique. Grande déception : la maison est vide, les abords encombrés de matériaux en tout genre comme si le terrain servait de remise. « Ils sont partis vivre au secteur, nous informe la voisine. C’est loin, peut-être une demie heure en voiture ». Dommage, nous repartons contrariés mais pas vaincus.

Fabrication de speed-boat à Makemo

Faisons confiance au hasard

Le lendemain, alors que nous sautons de l’annexe sur une berge corallienne, nous reconnaissons leur fils de 11 ans ; Moana Nui se baigne avec ses copains dans le hoa, une fausse passe, qui sert de port aux speed-boat. Quelques minutes plus tard, il alerte ses parents arrivant tout juste au village en scooter. Leur étonnement de nous revoir est grand ! La sœur d’Anelia, Faiti, apparaît derrière un frangipanier, leur « frère » – un raerae qui se fait appeler Catia – nous rejoint dans son short moulant et son haut en dentelle. S’ajoutent un neveu, un oncle, et les retrouvailles sont quasi complètes !

Poissons-perroquets du lagon

Le grand bain dans le bleu

Dès le lendemain, ils sont invités à déjeuner sur Azyu. En embarquant, ils nous passent un collier odorant de tiare autour du cou et je reçois des boucles d’oreilles en perles de culture. Dans une ambiance décontractée animée par la musique paumotu, ils sirotent des Hinano, la bière de Tahiti, et passent des heures dans l’eau, excités de se baigner « en pleine mer ». De toute évidence, c’est une belle journée de vacances pour eux. Le repas, précédé d’une prière et apprécié en silence, semble également un moment symbolique dont je mesure mieux le sens et l’importance par rapport à l’année dernière. En juillet dernier, Anelia et Michel avaient préparé un repas exclusivement pour nous puisque la table ne comprenait que quatre couverts ! Dans l’ouvrage Nourritures, abondance et identité, Christophe Serra Mallol explique que : « Ne pas accueillir et partager est véritablement honteux aux yeux des Tahitiens [cela va] parfois même jusqu’à embarrasser un visiteur en lui offrant une hospitalité hors mesure.  »

Coprahculteurs

Depuis quelques mois, Anelia et Michel se sont installés dans une maison en palme au sein d’une cocoteraie familiale au lieu-dit Onokanoka ; sur ce terrain, ils exploitent les noix de coco qu’ils cassent et en détachent la chair appelée coprah. Dans le lagon, ils pêchent poissons, bénitiers et divers mollusques pour se nourrir.

Séchage des noix de coco

2 sacs de coprah de 25kg chacun !

L’arbre généalogique

Le jour suivant, au sortir de la messe, nous avons rendez-vous chez Mihimere, la mère d’Anelia, de Faiti, de Catia et de 10 autres enfants ; quasiment toute la fratrie vit à Makemo. La vieille dame de 75 ans présente des traits indiens et un regard pour le moins troublant : ses yeux sont marron jaune auréolés de bleu gris. Aussitôt, elle sort un classeur contenant des photocopies de photos anciennes, remontant à son arrière-arrière grand-père ! Cet ancêtre vient du Canada et pose en belle tenue avec le prince Hinoi autour de 1840. Puis vient la photo de l’arrière grand-père, danois et des épouses polynésiennes au fil des générations. En feuilletant cet album de famille, je me rends compte que la vieille dame comme ses enfants, attentifs à nos remarques ou réactions (on leur apprend notamment que l’aïeul de Nouvelle-Écosse n’était pas écossais mais canadien) recherchent des informations sur leurs origines. Parfois, hasard bienheureux, des voiliers américains ou européens, ayant des noms de famille communs avec ces Paumotu, les renseignent effectivement sur leurs origines.

Anelia

Enterré au plus près

Avant de prendre congés, Anelia souhaite me montrer le « fare de son père », aligné aux autres maisons de la rue. Elle m’introduit dans une maison en dur de bonne taille ; il se passe quelques secondes avant que je ne comprenne : une tombe carrelée trône au milieu d’une pièce unique surchargée de décorations – colliers de coquillages, guirlandes végétales, éventail en niau, bouquets de fleurs en plastique et divers souvenirs sur les murs. Tous les membres de la famille nous y retrouvent et, en guise d’adieu, nous couvrent de cadeaux. Chapeaux tressés, paréo avec son attache en nacre, colliers de coquillages, paniers en fibres de pandanus, tee-shirts à l’effigie de Makemo… À nouveau, nous sommes surpris par l’excès de présents mais, comme l’indique Christophe Serra Mallol sur l’hospitalité traditionnelle en Polynésie, « le don appelait le contre-don », « à l’obligation de donner correspondait l’obligation de rendre », précisant que, dans les temps anciens, « il a toujours été nécessaire de partager avec son voisin affamé les provisions plus ou moins abondantes qu’on avait pu se procurer afin de recevoir le même service une autre fois. » Nous leur offrons une lampe solaire qui leur sera très utile car il n’y a pas d’électricité au secteur et promettons de repasser d’ici quelques mois. Ainsi naît l’amitié en commençant par donner.

Mihimere devant la tombe de son époux

Nous repartons couverts de cadeaux !

5 réflexions sur “Retrouvailles paumotu

  1. Isabelle ROUMAGNAC dit :

    Coucou, Azyu, bonne et heureuse année à tout l’équipage, qu’il nous tarde de retrouver à Hiva Oa, au chantier. Bons baisers de Tahiti et de S/V Iris, bientôt prête à prendre le large avec Christophe & Isabelle.

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  2. Babastrip dit :

    Ia Orana les Azyu! MaTahiti api ! Ça a l’air d’aller pour vous! Le vent vous pousse toujours bien, on vous a vu sur l’ais! Hehe on vous trace!!! 😉. Espérons qu’on vous croise encore en 2020. Bisous aux filles!!!!

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