Nous accueillons sur Balanec un couple d’Italiens fraîchement mariés. Ca tombe bien, c’est la saison des amours en Polynésie.
Pour l’occasion, nous avons préparé une suite nuptiale : draps de soie, taies d’oreiller non dépareillées (!), rideaux qui atténuent le réveil aux aurores, porte d’intimité (la seule du bateau avec celle des toilettes). Malgré nos efforts pour vider la bannette, l’espace reste assez exigu pour loger les deux grosses valises avec lesquelles tout couple d’Italiens qui se respectent ne sauraient voyager.
Andrea et Sofia, des Toscans de 28 et 26 ans arrivent tout droit d’un séjour itinérant en Nouvelle Zélande. En quatre heures de vol, ils passent de 5 degrés à 25° et se mettent aussitôt en tenue légère. Par chance, nous sommes au ponton du Yacht Club d’Arue et pouvons leur proposer sans trembler une douche royale aux sanitaires de la marina (se laver avec 2 litres d’eau n’est pas à la portée du vacancier lambda).
Belle surprise
Au soir de leur arrivée, Jean-Marie les fait grimper dans l’annexe pour une sortie dans le lagon, histoire d’admirer le coucher de soleil sur la barrière de corail. Par chance, ils tombent sur une famille de baleines qui s’approchent très près d’eux, trop près d’ailleurs puisqu’ils prennent la fuite devant ces mastodontes de près de 15 mètres. D’août à novembre, les baleines à bosse migrent d’Antarctique vers les eaux chaudes du Pacifique Sud où elles se reproduisent et mettent bas. Parfois, certaines se faufilent dans les passes et évoluent quelques heures dans le lagon, nageant comme si de rien n’était au côté des « va’a » (pirogues à balancier), des « poti marara » (bateaux à moteur spécialisés dans la pêche de la dorade coryphène), et diverses embarcations de plaisance.
Navigation-spectacle
Le lendemain, nous mettons le cap sur Moorea, à quelques 20 milles de Tahiti et apercevons, émerveillés, les cabrioles d’une baleine amoureuse. Puis, le roulis a raison de nos passagers qui s’endorment comme deux bébés dans le cockpit. Nous jetons l’ancre à vue sur un fond sablonneux devant le village de Maharepa. Tout le monde saute à l’eau sans se faire prier. Entre deux sourires, je fais les gros yeux à Jean-Marie qui ne peut s’empêcher de grattouiller la coque… Les Italiens profitent des derniers mais toujours chauds rayons du soleil pour parfaire leur bronzage tandis que je me démène en cuisine afin de servir un repas aussi sophistiqué que possible.
En fin de soirée, le « maaramu », l’alizé d’est, se met à grossir au point que nous devons déplacer le bateau. De bonne grâce, Andrea s’installe sous la pluie avec le projecteur de pont afin d’éclairer les patates de corail, la côte et les voiliers voisins. Je manœuvre à la barre pendant que Jean-Marie remonte la pioche puis la redépose un peu plus loin. Tout le monde file se coucher sauf le capitaine en poste toute la nuit afin de surveiller les sautes d’humeur de ce vent corsé qui fait flirter l’anémomètre avec les 40 nœuds.

La baie de Cook par grand calme
Changement d’ambiance
Le lendemain, plus question de dorer au soleil ni de plonger. Le plan d’eau est comme écorché de risées écumeuses, le vent rugit au point qu’on ne s’entend pas à quelques mètres d’écart. Andrea et Sofia ont réservé un vol de Moorea pour Raiatea, puis une navette maritime jusqu’à Tahaa. Trois questions se posent rapidement : les avions volent-ils par ce temps ? comment allons-nous les débarquer dans ce cahot ? comment vont-ils gagner l’aéroport sachant qu’un paquebot a réservé tous les taxis de l’île ? C’est sans compter sur la gentillesse des Tahitiens qui ne vous laissent jamais dans la panade. Finalement, Jean-Marie charge les deux grosses valises et leurs gentils propriétaires dans l’annexe. Nos clients rejoignent leur hôtel de luxe et nous, notre case flottante, notre tranquille vie de famille.