Aux Gambier, les eaux du lagon servent de manufacture à la confection de perles noires exceptionnelles. Visite guidée avec Éric Sichoix, propriétaire d’une ferme sur Taraura Roa.
Français d’origine chinoise, Éric a créé sa propre entreprise perlière en 1999, sur l’îlot dont a hérité son épouse polynésienne Tina. La concession maritime s’étend sur 30 hectares, la ferme emploie une quinzaine de personnes. En 2018, 140 000 perles ont été récoltées. Malgré ce chiffre éloquent, chaque perle est une victoire en soi. Les naïades de nacre imposent en effet aux hommes de réguliers travaux physiques, une dépendance aux conditions météorologiques et une maîtrise experte du greffage.
L’huître naît dans le lagon
Les huîtres vivent à l’état naturel entre 15 et 25 mètres de profondeur. Au moment du changement de saison, la température de l’eau augmente imperceptiblement de 0,5 à 1 degré provoquant la ponte. Les ovules des huîtres femelles et les spermatozoïdes des huîtres mâles sont éjectés dans l’eau, se rencontrent et se fécondent. Aussitôt les jeunes larves s’accrochent à n’importe quel substrat. Les perliculteurs les attrapent en disposant verticalement dans le lagon des collecteurs en plastique. Il s’agit de fils remplis de disques sur lesquels les larves se fixent et grossissent une année environ. Le collectage des naissains est souvent l’activité d’acteurs indépendants. Éric achète en effet le jeunes branches de Pinctada Margaritifera (nom de la variété) et les fait grandir encore une année dans les eaux de sa ferme.

Un collecteur sur lesquels se fixent les larves d’huîtres.
L’art du greffage
Délicate opération que d’introduire dans le corps d’un mollusque une bille qu’il transformera en joyau de nacre ! Pour ce faire, deux huîtres sont nécessaires, une donneuse et une receveuse. L’huître donneuse est sacrifiée afin d’en récupérer un morceau de chair, le greffon. Ce dernier comporte l’ADN de la future perle et donc sa couleur dominante : vert, aubergine, noir, bleu nuit… L’huître receveuse est légèrement entrouverte ; on lui glisse à l’intérieur une bille de coquillage appelée nucléis qui est entourée par le greffon. Chez Éric, chacun des 5 greffeurs travaille 300 à 400 nacres par jour. De leur dextérité dépend la réussite de l’opération car l’huître peut rejeter le corps étranger, surtout les 5 premières semaines. Le taux de réussite est de 60 à 70%.

Les greffons, lanière de chair, et les nucléis, billes jaunes en coquillage.
Retour dans le bassin
Les huîtres chargées de leur précieux trésor sont attachées à une grille quadrillée. Elles sont ensuite rapidement remises à l’eau. Durant l’année qui suit, les belles sont étroitement surveillées parce que les prédateurs rôdent : raies, tortues, balistes maraudent autour de ce banquet appétissant. Les installations peuvent également être détériorées par le mauvais temps ou les quilles des voiliers étourdis. Régulièrement, les coquilles des huîtres sont nettoyées, soit directement dans l’eau par des plongeurs, soit à la station et ramenées dans le lagon.
Récolte et bonus
L’huître a donc au moins 3 ans quand la perle est récoltée. Cette dernière est triée, lavée, lustrée avant d’être vendue aux négociants impatients. Quand l’huître est en bonne santé, il est possible de lui introduire un autre nucléis — et plus gros que la fois précédente pour une perle encore plus volumineuse ! On peut surgreffer jusqu’à 3 fois une même huître. Les coquilles vides sont revendues aux joailliers qui en exploitent la nacre. Quant aux huîtres donneuses de greffon, elles ne sont pas gaspillées puisque leur chair est consommée. Nous en dégustons souvent en carpaccio, crues dans du lait de coco ou poêlées au beurre à l’instar des coquilles Saint-Jacques.
Un vivier d’emplois
Réputé dès le XIXe siècle pour sa nacre, le lagon de Rikitea est naturellement devenu un haut-lieu de la perle de culture lorsque le greffage est passé du stade expérimental à celui de technique éprouvée à la fin des années 1970. Aussitôt s’engagea une ruée vers l’or sous-marin. « Dans les années 1980, rapporte Éric Sichoix, une perle se vendait en moyenne 120 € au départ de l’exploitation, aujourd’hui, c’est 8€ ». Si le prix a été divisé par 15, le nombre de fermes a quant à lui explosé ; en conséquence, les profits sont de nos jours davantage partagés. Qu’il s’agisse d’unités familiales — un couple et quelques parents —ou d’entreprises rémunérant une vingtaine d’ouvriers, le secteur perlier garantit du travail aux îliens. Grâce notamment aux habitants des Gambier, la Polynésie française demeure le premier exportateur mondial de perles marines.

Les joyaux d’une des fermes perlières d’Akamaru.

Parfaitement rondes — les plus recherchées —, ovales, cerclées ou « baroques », c’est-à-dire de forme biscornue, les perles étonnent aussi par leur palette de couleurs : noir profond, aigue-marine, vert, doré, argenté et même blanc. Mais, plus que la forme ou la teinte, la brillance est l’élément le plus convoité.

Le CED de Rikitea – équivalent du lycée technique – forme aux métiers de la gravure, sur verre, sur nacre et sur peau (tatouage).
Bon anniversaire Jean-Maï! Et bon anniversaire d’embarquement à toute la famille: 2 ans déjà que vous êtes partis de Camaret… On vous fait plein de bisous depuis la presqu’île, aux eaux de couleur presque Polynésiennes ces jours-ci… Sylvain, Fred, Marie et Kim.
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