Ville incontournable de Martinique, d’après les brochures touristiques, le Saint-Pierre actuel fait figure de rescapé. Rayé de la carte après l’éruption dramatique de la montagne Pelée en 1902, le « Petit Paris des Antilles » nous raconte, au détour des ses ruelles, sa fin historique.
Nous sommes mouillés en face de la halle aux fruits et légumes qui sert de place du village aux 5000 habitants. Sur notre gauche, une présence massive, celle du mont Pelée : flancs ras (d’où son nom) et sommet masqué par les nuages. Nous débarquons pour retrouver des traces de l’éruption la plus meurtrière au monde : en l’espace d’une minute, 30 000 personnes périrent le 18 mai 1902. Au 1er abord, nous ne voyons rien, ou pas grand-chose. Bon nombre de maisons apparaissent délabrées, noircies, d’autres abandonnées. Même la cathédrale du Mouillage, toute grise, a piteuse allure. Pour en savoir plus, nous suivons un guide qui nous raconte, comme s’il y était !, le dernier jour de Saint-Pierre. Comment en effet voir ce qui a complètement été détruit ? Ce n’est que dans les années 1980 que quelques ruines, le théâtre, des habitations et la prison, ont été mises au jour.
La mer bouillait
Equipé des commodités modernes, comme l’eau chaude, Saint-Pierre était, à la fin du XIXe siècle, un lieu de plaisirs, d’où son surnom de « Petit Paris ». En 69 secondes, un souffle de 500 degrés a dévasté la ville. Comme la Pelée est, parmi les 7 volcans de Martinique, le seul toujours en activité, d’un coup, on le regarde d’un mauvais œil. Mais bon, en bateau, y’a pas de souci à se faire. « Près de 42 bateaux au mouillage ont été incendiés par le souffle, réplique le guide. La mer bouillait. Ce volcan, de type péléen, ne projette pas de lave mais une chaleur et un gaz mortels. » Bon, ben, on va pas traîner… un petit punch et on rentre. C’est sans doute ce petit verre en trop qui a sauvé la vie de Cyparis, l’unique survivant de la catastrophe. Enfermé dans un cachot pour état d’ivresse, il ne doit son salut qu’aux murs épais de cette cellule.
Depaz, Clément, Mauny, Trois Rivières…
Forts de cette leçon (« l’alcool peut vous sauver la vie »), nous filons tout droit chez Neisson, l’un des meilleurs rhums. Traversant des champs, j’interroge les enfants : « c’est quoi ? » « du maïs !, »répond Erell, « du blé ! euh, non du sucre ! » rectifie Coline. Leçon de choses. Avec un schéma sous les yeux, Coline nous raconte la transformation de la canne à sucre en jus de canne puis en alcool puis en rhum. Cette entreprise familiale cultive 42 hectares de canne à sucre dont 3 certifiés bio. Créé en 1932, Neisson revendique une distillerie exceptionnelle grâce à une colonne en cuivre qui exhale les saveurs et donne un rhum à 70 % (« L’Esprit »). Vieilli de 2 mois à 1 an, il est ensuite « adouci » par ajout d’eau pour être vendu entre 50 à 55 %. L’école se poursuit à la plage du Carbet avec une page de soustraction et une dictée.
Ah ! ces prêcheurs nocturnes !
Retour au bateau, retour au roulis. Le vent de nord engendre une telle houle que nous ne dormons que d’une oreille. Et la chaîne cogne contre la coque dans une ambiance de ferronnerie. Un soir, très intrigués, nous entendons un groupe de prières louer et chanter le seigneur Jésus, à quelques mètres du ponton. Le Notre Père sur un air de biguine, ça donnerait presque la foi ! Mais ça empêche de dormir…
C’est toujours aussi agréable de te lire Gaelle : quel talent ! Je te lis dès que tu sors un article. bisettes à vous 4. A terre, chez nous tout va bien.
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